Les vitrines virtuelles vont fleurir de plus en plus mais elles ne tueront pas le commerce traditionnel
Diplômé en marketing et en communication, Stéphane Etienne a entamé son parcours professionnel dans les relations publiques, la consultance marketing, l’enseignement et la presse écrite. Dans le cadre de son métier de journaliste pour le quotidien belge « La Libre », il s’est rapidement intéressé aux défis de l’Internet. C’était en 1997, autant dire la préhistoire de l’ère numérique ! Il s’est ensuite orienté de plus en plus vers ce nouveau média en devenant webmaster, web content manager et finalement community manager pour une grande banque au Luxembourg. Aujourd’hui, fort de ses compétences dans l’écriture en ligne, le webmarketing et la stratégie de contenu (online et offline), il a lancé une nouvelle activité davantage orientée vers l’e-business et les médias sociaux.
Après les sites web corporate du début des années 2000, la présence des entreprises sur les réseaux sociaux est-elle la nouvelle étape indispensable pour assurer notoriété et croissance ?
Pas nécessairement. Tout dépend en fait du profil de l’entreprise. Il est évident qu’une société qui vise un public jeune se doit d’être sur les réseaux sociaux. Par contre, d’autres compagnies, qui souhaitent préserver une image plus discrète comme certaines banques privées, n’ont sans doute pas grand-chose à faire sur les médias sociaux.
Cela dit, c’est aussi une question de culture : les Asiatiques et les Moyen-Orientaux sont plus sensibles à ce type de médias que les Européens. Un de mes anciens collègues du desk MENA (Middle East North Africa) m’a un jour avoué que plus de la moitié de ses contacts sur Facebook était d’ordre purement professionnel. Tout dépend également du média choisi. Le réseau LinkedIn a naturellement une vocation plus professionnelle que Facebook. Enfin, tout dépend de ce que l’entreprise est prête à investir en ressources humaines dans ce secteur précis.
C’est-à-dire ?
Pour gagner en notoriété sur les médias sociaux, il faut se donner les moyens humains suffisants pour alimenter de manière régulière les différents canaux de communication. À titre d’exemple, Ice-Watch emploie à plein temps plusieurs community managers.
Une présence sur les réseaux sociaux est-elle réservée aux marques de grande consommation ?
Non, encore une fois, tout dépend du profil. Toutes les entreprises peuvent être présentes à un coût relativement raisonnable sur les réseaux sociaux. Il y a deux conditions cependant : il faut avoir quelque chose à dire et avoir au préalable intégré la dimension des médias sociaux dans sa stratégie globale de communication. Sans une réelle réflexion stratégique, il est totalement inutile, voire contre-productif, d’être présent sur les réseaux sociaux. Certaines grandes institutions financières, dont je ne citerai pas le nom, se contentent de balancer sur leur page Facebook leurs dernières analyses financières et ce sans aucun visuel accrocheur. Je ne suis pas convaincu que ce genre d’initiative, pour le moins malheureuse, fera augmenter leur notoriété sur le Net…
Le Web est-il « le » nouveau média indispensable pour un recrutement efficace ?
C’est sans doute valable pour les réseaux sociaux essentiellement, surtout si le recrutement de l’entreprise concernée se fait à l’échelle internationale. Personnellement, je reçois fréquemment via LinkedIn des offres d’emploi ou des propositions de collaboration qui correspondent à mon profil.
La valeur d’une entreprise tient-elle désormais à son e-réputation ?
Non, bien entendu, mais un travail de veille devient indispensable car un buzz négatif peut très vite détruire l’image de marque qu’une entreprise ou qu’une personnalité a mis des années à construire. Il suffit de se rappeler les propos malheureux de Luc Trullemans (le présentateur Météo d’une chaîne privée belge) sur sa page Facebook qui l’ont conduit à démissionner de son poste. Il faut donc être très réactif et surtout inciter les collaborateurs à davantage intervenir sur le Net tout en respectant la charte Internet de la société. Le concept n’est pas neuf : les meilleurs ambassadeurs d’une entreprise restent ses employés.
À côté du site web classique, quels outils est-il indispensable de développer désormais : e-mailing, réseaux sociaux, promos en ligne… ?
Les réseaux sociaux sont à l’heure actuelle les plus efficaces en termes de référencement naturel (par opposition aux liens sponsorisés). Aujourd’hui, pour exister sur le Web, il faut se retrouver au minimum dans les dix premiers résultats de Google. Mais pour que ce référencement « naturel » soit le plus efficace possible, il faut savoir s’entourer : un community manager, pour animer le(s) réseau(x) et éventuellement jouer le rôle de modérateur, et/ou un rédacteur-référenceur, un professionnel de l’écriture web qui pourra augmenter le référencement naturel d’un contenu en choisissant les bons mots-clés au bon endroit.
Un système de clics payants ou un excellent référencement, que choisir ?
Le système de clics payants peut s’avérer très efficace sur le court terme. Par contre, pour des raisons évidentes de coût, il vaut mieux privilégier le référencement naturel sur le long terme. Je conseille toujours d’adopter la stratégie suivante : soignez votre référencement naturel et, en attendant que celui-ci obtienne des résultats satisfaisants, investissez sur un certain nombre de mots-clés dans Google AdWords.
Pratiquez-vous « l’intelligence stratégique » ? Par ailleurs, conseillez-vous aux entreprises qui vous consultent de pratiquer la « veille stratégique » ?
En fait, la veille stratégique constitue le premier pilier de l’intelligence stratégique. Avant d’être un acteur du Net, l’entreprise doit d’abord connaître son positionnement et celui de ses concurrents. Elle pourra ainsi adapter sa stratégie de communication sur la Toile en fonction des informations récoltées.
Une entreprise peut-elle tout dire ou laisser dire sur les réseaux sociaux ?
Certainement pas ! L’entreprise doit mettre en place une charte sur les réseaux sociaux au sein de son personnel et immédiatement réagir en cas de dérapage. Une réputation se fait et se défait très vite sur le Net… mieux vaut le savoir.
Certaines PME semblent peu intéressées par l’e-commerce. À votre avis, pourquoi ?
Il peut y avoir plusieurs raisons ; une peur de la technologie informatique, un manque d’intérêt pour le Net et parfois une certaine méconnaissance des nouvelles habitudes de consommation. Cela dit, il faut bien reconnaître que le marché n’est pas encore tout à fait mûr. Une recherche menée en France l’année passée a démontré que le taux de transformation – c’est-à-dire la part des personnes qui passent commande comparé au nombre total de celles qui se rendent sur un site donné – n’est que de 2,5 % sur Internet alors qu’il avoisine toujours les 55 % pour celles qui poussent la porte d’un commerce traditionnel !
Le commerçant doit-il aujourd’hui investir dans sa vitrine réelle ou sa vitrine virtuelle ?
Il y aura toujours de la place pour les deux selon moi. Les vitrines virtuelles vont fleurir de plus en plus sur la Toile, c’est une évidence, mais je suis persuadé que cela ne va pas pour autant tuer le commerce traditionnel. Il faudra simplement que celui-ci accepte de se remettre en question et propose à ses clients une réelle plus-value que ceux-ci ne retrouveront pas nécessairement sur le Net comme l’accueil, la proximité, les conseils, l’atmosphère conviviale.
C’est la théorie mais est-ce possible en pratique ?
A Bruxelles, il y a une librairie qui marche du tonnerre pour le moment – je ne vais pas la nommer mais les Bruxellois la reconnaîtront – elle est ouverte le dimanche, invite régulièrement des musiciens à jouer du piano le week-end, propose une petite restauration, dispose de nombreux sièges où les clients peuvent s’asseoir et lire en toute tranquillité et tous ses vendeurs sont des mordus de littérature qui ont chacun des connaissances bien spécifiques. Un mastodonte de la librairie numérique comme Amazon ne pourra jamais proposer de tels services ! À partir de là, on peut multiplier les exemples et les réalisations.
Néanmoins, y a-t-il une place pour l’e-commerce pratiqué par des petites structures locales alors que Zalando, Amazon ou d’autres ont déjà envahi le marché ?
Oui à condition de soigner sa logistique. Cela ne sert à rien de promettre une livraison pour le lendemain si cela ne se passe pas ainsi dans la réalité. Et puis la communication et la promotion du site vont être déterminantes dans la réussite du projet. Bien menées, elles vont valoriser les produits ou les services, guider le client, le rassurer, le conseiller et finalement le fidéliser. C’est dans ces deux domaines essentiellement que je propose aux entreprises commerciales de les accompagner.
A quelle fréquence actualiser mes informations en ligne : actions, évolution visuelle, refonte totale ?
Tout dépend de la finalité du site. S’il s’agit d’un site web classique du type vitrine, il reste assez statique. Par contre, dans le cas de l’e-commerce, l’intérêt du client et du prospect doit sans cesse être relancé. Les promotions et les offres doivent donc apparaître à une grande fréquence sur la vitrine web. Quant aux réseaux sociaux, le mieux est de poster des messages au moins deux à trois fois par semaine, si pas tous les jours pour certains blogs.
Aujourd’hui, quelles sont les qualités d’un site e-business ?
Avoir une bonne équipe, orientée vers les nouveaux métiers comme ceux que j’ai évoqués plus haut – community manager et rédacteur-référenceur –, basée sur un fonctionnement moins pyramidal et dotée d’une organisation collaborative forte, qui s’appuie sur l’écoute des besoins du client.
Au final, considérez-vous l’e-business comme une nouvelle opportunité de croissance ?
Bien entendu ! C’est une nouvelle opportunité de croissance car les générations qui nous suivent seront clairement orientées vers l’e-commerce. Il suffit de voir avec quelle vitesse une société comme Zalando a progressé. En cinq ans à peine, cette firme allemande est devenue un des acteurs incontournables du commerce électronique…