Révolution Internet et imprimerie traditionnelle : je t’aime, moi non plus !
Vingt ans de métier et au cœur de celui-ci l’arrivée d’Internet…
La révolution Internet peut être comparée à l’invention de l’imprimerie avec Gutenberg. Il y a 500 ans, l’imprimerie typographique se répand à travers toute l’Europe en très peu de temps… En moins de 50 ans, ce sont des millions de livres qui sont imprimés à Venise, à Paris, à Anvers ! Mais c’est surtout à une révolution culturelle majeure qu’on assiste : ce qui se répand dans toute l’Europe c’est l’accès à la connaissance et à une pensée libre et critique.
Ainsi, si on veut réfléchir à l’impact d’Internet dans n’importe quel domaine, il faut comprendre qu’il ne s’agit pas simplement de l’avènement d’une nouvelle technologie, celle-ci n’est que la face cachée de l’iceberg. Ne voir dans Internet que la dimension technologique et ses performances, permet certes d’intégrer de nouveaux outils dans le métier, d’ouvrir de nouveaux créneaux… Mais l’essentiel est ailleurs. Avant Gutenberg, le Moyen âge avait placé Dieu au centre du monde. L’imprimerie a probablement contribué à y placer l’homme. Aujourd’hui où Internet va-t-il placer l’homme ? Le défi pour nous tous est de faire en sorte qu’Internet ne volatilise pas l’héritage humaniste dans le Cloud !
Ceci dit, il est vain de vouloir résister ou s’opposer à la révolution qui se déroule sous nos yeux et qui nous devance en permanence. On ne résiste pas aux grands mouvements culturels. Mais on peut réfléchir à ce qu’on en fait dans son métier ou dans sa vie privée en essayant d’y insuffler les valeurs auxquelles on croit.
Technologiquement dans votre métier qu’est-ce qui a changé ?
Internet a rendu le monde plus petit. Les clients et les fournisseurs sont devenus des voisins. Les concurrents aussi. C’est déjà une bonne raison pour relever ses manches. Le monde de l’industrie graphique lui aussi est devenu un village. Tout ce qui est nécessaire à la création graphique s’achète et se vend sur Internet et de nombreux métiers doivent être revisités de fond en comble.
D’autre part, tout semble aller plus vite… Plus de disquettes ni de films à transporter, les textes sont envoyés par mail, les photos s’achètent sur des sites de banques d’images et le PDF a remplacé les copies envoyées pour correction… Mais ce gain de temps, pour nous, est une illusion car tout le monde veut profiter du temps gagné sur les transports ou le courrier et en bout de chaîne, ça continue à bouchonner… La plupart de nos trimestriels doivent être réalisés en l’espace de trois semaines… tous en même temps. Rien n’a changé en fin de compte si ce n’est l’outil. Encore une fois, le véritable changement est culturel, imperceptiblement, il modifie le rapport que nous avons au monde, aux autres et aux fondements de nos valeurs…
En communication d’entreprise, faut-il choisir entre news papier ou news Internet ?
L’un doit-il être la copie de l’autre ? Quelles sont les spécificités propres ?
Tout cela commence seulement à se clarifier. Papier et Internet ont des spécificités propres et des usages qui se précisent petit à petit. Une invitation, une news, un catalogue sera envoyé par courrier ou par mail (ou les deux) en fonction de critères que nous maîtrisons chaque jour un peu mieux. Mais c’est surtout la conjugaison des deux supports qui va apporter un plus. Il ne faut donc pas nécessairement choisir entre papier et numérique dans la communication d’entreprise. Au fil des ans on voit les supports se compléter et non s’opposer. Savoir conjuguer papier, Internet mais aussi d’autres médias, fait partie de notre expertise. C’est également un argument de vente : quand différents supports s’inscrivent dans la même démarche le message est plus fort.
Mais il est exact qu’Internet a révolutionné les métiers de la communication. L’imprimerie, comme la presse écrite, traverse une crise profonde. Febelgra, la Fédération belge des Industries graphiques en Belgique, pense avec raison, que pour quelques années encore, le papier restera le support de tout ce qui exige une lecture attentive et une réflexion. Mais nul ne sait encore comment les générations qui naissent avec Internet vont se comporter.
À côté de l’impression offset traditionnelle, l’imprimerie numérique est de plus en plus performante et offre de nouvelles perspectives pour l’entreprise : le coût de l’imprimerie a toujours été lié aux frais fixes, ce qui freine la commande de petits tirages. Ce problème disparaît avec le numérique. On imprime de petites quantités, plus souvent ce qui permet d’adapter les imprimés à l’évolution du marché. L’impression numérique permet aussi de personnaliser un flyer ou une brochure en fonction du public, d’imprimer en plusieurs langues, etc.
Du papier au Web… est-ce seulement le support qui a changé où le passage de l’un à l’autre implémente-t-il profondément la manière de travailler ?
Dans le fond il s’agit toujours de répondre d’abord aux questions qui découlent d’une stratégie marketing : je vends quoi et à qui ? Je communique quoi et à qui ? Sur papier ou Internet, l’essentiel doit être dit en peu de mots et le visuel reste dominant. Depuis longtemps nous sommes saturés de documents écrits, audiovisuels et maintenant Internet. Chaque support reproduit la même préoccupation : comment atteindre le public cible ?
Ce qui est nouveau, c’est la durée de vie d’un document de communication. Et chaque support nouveau apporte des solutions… et génère de nouveaux pièges. La réactivité est telle sur Internet qu’il faut maintenant éviter de consacrer un temps fou et inutile à renouveler sans cesse l’information. Le risque est aussi de relativiser l’importance d’un texte, d’une info ou d’une image parce qu’ils sont éphémères… Il est difficile parfois sur Internet de rester attentif au mot juste et à l’image juste. Difficile aussi de ne pas se laisser éblouir par toute l’info qui y circule. D’autant plus difficile qu’Internet n’aime pas ce qui est statique. Comment les PME, TPE et commerçants pourront-ils trouver le temps et les budgets nécessaires pour suivre le rythme imposé ?
Les moteurs de recherche dictent les règles du jeu par le truchement du référencement. Il y a de quoi s’interroger sur la puissance de ces mastodontes capables d’imposer des critères de sélection à une économie de marché qui se revendique de la liberté individuelle. La plupart des conseillers sur Internet intègrent ces nouveaux dogmes dans leurs analyses et leurs conseils… Et s’y soumettent. On entrevoit ici toute l’immensité de la face cachée de l’iceberg Internet.
Si tout va vite, la difficulté est alors de retenir l’internaute sur son site…
Effectivement, avec une brochure papier on peut prendre un peu de temps pour trouver ce qu’on cherche. L’internaute est plus impatient et plus volage. Dès la page d’accueil il faut le rassurer, le convaincre qu’il est arrivé au bon endroit. L’internaute est avare de clics, après trois essais non fructueux il s’en va. La page d’accueil doit être à la fois complète et attractive. Beaucoup de clients croient qu’il suffit que tout soit sur le site, sous-estimant l’empressement de ceux qui y viendront.
Un site ne peut se construire que sur une bonne approche marketing. Je continue à utiliser la grille d’analyse AIDA (Attention, Interest, Desire, Action) apparue au début du vingtième siècle ! Elle me convient parfaitement quel que soit le support ou le client : attirer l’attention (par l’image, le slogan, l’originalité). Dès que l’attention est captée, il faut susciter l’intérêt. Troisième étape : amener la décision d’aller vers le produit ou l’info. La dernière lettre c’est « action, achat ». Pour un dépliant, une news, un site ou une pub il faut que le public ciblé se dise : « Tiens c’est quoi ça ? Ça m’intéresse… Je veux… J’achète. ».
Que pensez-vous de l’avènement de l’e-commerce ?
Pour un certain nombre de produits l’e-commerce ne s’est pas trompé : il est plus facile de cliquer pour acheter tout de suite que d’attendre le lendemain pour retourner au magasin. Pour le grand public, c’est vrai pour les livres, les disques, les vêtements, les cosmétiques par exemple… Pour les PME, l’e-commerce explose aussi dans le B2B : là où les produits sont connus et comparables et où le service après vente n’est pas un frein.
Êtes-vous un adepte du commerce par les réseaux sociaux ?
Je suis probablement de la vieille école et je n’y crois qu’à moitié. On n’entend plus que le verbe « réseauter ». Il faut réseauter ! Ne risque-t-on pas d’y perdre l’âme de son métier. J’ai trouvé sur Internet cette définition « Réseauter consiste à échanger avec des éventuels clients, des éventuels partenaires, des éventuels fournisseurs… à adapter son discours pour détecter au fil de la conversation quelle opportunité d’affaires peut vous offrir votre interlocuteur ».
La dimension humaine authentique passe à la trappe, on ne soigne plus que sa propre image et on confond l’autre avec l’image qu’il envoie de lui-même en fonction des règles dictées par ces nouveaux lieux de « rencontre ». Sur le marché à bestiaux de mon village, marchands et fermiers négociaient la main sur la croupe de la vache et l’œil malin rivé sur les lèvres de l’interlocuteur. Le contrat s’affinait dans un rituel de claquement de mains. Sur les réseaux, il est bien difficile de faire le tri entre ceux qui y passent du temps pour satisfaire les désirs de leur moi existentiel et ceux qui sont des partenaires possibles et intéressants. Mode ou mutation ? On verra dans deux ou trois ans… Sur Internet la durée de vie d’un produit est parfois très courte.
J’espère pourtant qu’il sera toujours possible de gagner sa vie sans trop devoir réseauter. Personnellement je prends ce risque car j’ai besoin de temps avec mes clients, mes fournisseurs, mes partenaires et mes collègues. C’est probablement un problème d’échelle des valeurs. à Espace Media nous sommes plutôt des artisans de la communication que des « communicateurs ».
Faut-il être une PME pour devenir le spécialiste de la communication pour PME ?
Clairement oui. Travailler pour des PME c’est travailler avec des personnes qui nous ressemblent. Et on ne peut pas communiquer si on appartient à des mondes complètement différents. Cette compréhension mutuelle nous permet d’être ce que nous sommes : des artisans. Avec les PME il n’est pas question de vendre du vent, elles en subiraient les effets à très court terme. Depuis des années, nous partons du principe que le client sait toujours ce qu’il veut. Notre rôle est maïeutique : il s’agit de l’aider à formuler sa demande le mieux possible et essayer ensuite de lui donner vie. À l’expérience cela fonctionne mieux et de manière plus authentique dans les PME, surtout si le chef d’entreprise s’intéresse à la communication de son entreprise.
Pour une PME être présent sur le Web s’apparente souvent à des investissements importants. Avez-vous des solutions rassurantes en matière de coût ?
Oui, le prêt à porter de qualité arrive. La haute couture n’est plus la seule solution. Pour une PME, il faut faire beau, simple et utile. C’est possible maintenant avec des budgets bien plus raisonnables qu’auparavant.
C’est dans cet esprit que nous proposons aux très petites entreprises et aux commerçants des sites qui peuvent être « habillés » à la demande. L’important c’est que notre client ne soit pas seul, nous le conseillons, nous l’aidons à visualiser rapidement le projet pour qu’il se l’approprie et nous lui garantissons la formation et l’accompagnement pour qu’il puisse ensuite l’actualiser. Car il n’est plus suffisant d’avoir une vitrine sur internet, il faut qu’elle vive, qu’elle bouge et qu’on y revienne par curiosité.
Il reste que la communication doit toujours être un investissement rentable. Elle ne doit jamais être une dépense coup de cœur, une imitation des concurrents ou une envie de se faire plaisir. Il faut investir (et non dépenser) dans une campagne de communication dans le but de promouvoir un produit, pour se donner de la visibilité ou soigner sa notoriété. Il faut aussi pouvoir en mesurer les effets.
À côté du site Web classique, quels outils est-il indispensable de développer désormais : E-mailing, réseaux sociaux, promos en ligne… ?
Un des problèmes de toute entreprise quand elle fait un site ou un dépliant, un catalogue ou de l’e-commerce c’est de « relancer » les clients. Ce qu’Internet permet précisément c’est d’être présent plus souvent et de manière diversifiée. Cela exige un peu d’organisation et beaucoup de prudence pour ne pas saturer le public cible. Un exemple ? L’impression et l’envoi d’un nouveau catalogue imprimé peuvent être précédés d’une annonce par e-mailing. L’info pourra circuler aussi sur les réseaux si cela a du sens. Quelque temps après la réception du catalogue imprimé, on pourra envoyer un nouveau mail de rappel. La campagne e-mailing, mise en page graphiquement et utilisée avec prudence ne coûte pas cher. De plus son efficacité peut être mesurée par les statistiques de visites des pages Web auxquelles elle renvoie.
Les PME semblent peu intéressées par l’e-commerce. À votre avis, pourquoi ?
Parce qu’elles ont peur de l’inconnu. Parce qu’elles attendent de voir ce que les autres font pour les imiter. Enfin parce que la vente en ligne, si elle ne se contente pas d’être un gadget de plus mais un projet de développement, implique qu’on soit capable de faire face à des problèmes logistiques nouveaux.
Face aux mastodontes de l’e-commerce, il faut d’abord considérer Internet, non comme un nouveau concurrent, mais au contraire comme une motivation, un dynamisme nouveau. L’erreur c’est de se poser la question « et moi qu’est-ce que je peux (dois) faire dans ce machin immense ? ». Il faut repartir de soi, de son produit, de ses cibles ; revisiter sa démarche marketing en tenant compte du fait que le client s’est déplacé. Et ça les entreprises l’ont toujours fait. L’e-commerce est un nouveau défi. Il faut oser comme d’autres dans le passé ont osé faire passer le chemin de fer dans leur ville. L’e-commerce est à la portée de tous. C’est une question de temps et d’opportunité. Techniquement il existe maintenant des solutions pour toutes les tailles de vente en ligne.
Mais concrètement, si la concurrence est directe ?
Je pense, par exemple, qu’un libraire a une chance de survivre à côté d’Amazon et qu’il peut se servir d’Internet comme d’un levier pour répondre à l’explosion de la vente en ligne. Mais il doit d’abord se poser les bonnes questions. S’il vend du conseil, de la proximité, un peu de rêve et de gentillesse… en plus des livres, il pourra s’inscrire durablement dans le nouveau paysage commercial de son secteur. Il faut donc d’abord le convaincre qu’il ne vend pas que des livres. Doit-il dès lors vendre en ligne ? Ce n’est pas sûr. Un des premiers réflexes sur Internet c’est la comparaison des prix. Mais il n’y a pas que la vente en ligne pour faire du commerce sur Internet, pour informer et fidéliser ses clients.
Vous conseillez les entreprises sur les nouvelles technologies de la communication tout en vous réclamant sur votre site des anciens métiers ?
C’est vrai, nous sommes attachés aux valeurs des anciens métiers. Nous avons un jour réalisé une exposition sur le Compagnonnage. Nous avons appris beaucoup de choses sur la gestion de projets et sur le respect des valeurs. Des tailleurs de pierre aux verriers, chaque corporation avait ses règles propres pour garantir la bonne fin des travaux. Pourquoi faudrait-il qu’il en aille autrement parce que nous utilisons un clavier plutôt qu’un maillet et un ciseau ?
Nous avons longtemps cherché comment illustrer cet idéal en l’appliquant à notre métier, c’est de là que vient notre slogan écouter, imaginer, réaliser, évaluer.